8 Avril 2024

[Transition énergétique] Vers une optimisation de la consommation

D'ici à 2026, 3 centrales solaires photovoltaïques produiront une partie des besoins en électricité du Port spatial de l'Europe. Nous faisons le point avec Jérémy Hedin, Expert infrastructure et maîtrise de l'énergie au CNES, et François Clément, Expert études et travaux, en charge de ce projet à grande échelle, visant à alimenter le réseau de la base en énergie dite "verte".
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 On bénéficie d'un gisement solaire d'environ 2000 kilowattheures par mètre carré sur un an. 

En quoi le CSG est-il un environnement propice à la production d'énergie solaire ?

François Clément : Les zones les plus propices en Guyane sont le littoral et l'Ouest. On bénéficie d'un gisement solaire d'environ 2000 kilowattheures par mètre carré sur un an. On a une ressource solaire intéressante (dans la moyenne haute des régions du globe). 

Combien de champs sont concernés ? Quelles sont leurs puissances respectives ?

François Clément : 3 centrales solaires sont prévues, d'une puissance crête située entre 4 et 5 mégawatts, soit l'équivalent de 500 foyers. L'énergie totale produite sera intégralement autoconsommée et répondra à 15 % des besoins du site. Cela correspond à 150 000 tonnes de CO2 évitée sur 25 ans pour chaque centrale solaire. Soit l’équivalent de 20 vols allers-retours Cayenne-Paris par an.


Jérémy Hedin, Expert infrastructure et maîtrise de l'énergie au CNES

François Clément, Expert études et travaux au CNES
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Crédits : Emmanuel COSSON

 

Où sont-ils situés ? 

Jérémy Hedin : Il y a une centrale qui se trouve en bordure de la route de l'espace, au niveau de l'ensemble EPCU S5 (PV2). Nous en avons une autre en bordure de la route Corneille en direction de Régulus, l'usine de Propergol Guyane (PV1). Enfin, la troisième se trouve près de la zone technique Orchidée (PV3).

Le choix des terrains pour l'implantation des centrales a été défini très en amont. Nous avons choisi des terrains qui étaient déjà anthropisés ou qui avaient eu un remaniement de sol pour limiter l'impact de la construction/du bâti. Nous avons veillé à ne pas déranger les espèces faunistiques et floristiques protégées qui se seraient réinstallées sur ces surfaces avec le temps.

 [...] Sur le site de Kourou, la consommation d'électricité était le poste le plus émetteur de gaz à effet de serre. 

De manière générale, quelles sont les intentions liées à la construction d'unités de production photovoltaïque au CSG ? 

Jérémy Hedin : Les études ont montré que, sur le site de Kourou, la consommation d’électricité était le poste le plus émetteur de gaz à effet de serre. Aussi, depuis une dizaine d'années, le CNES fait de la réduction de son empreinte carbone une priorité. 

Dans un premier temps, la promotion des comportements de sobriété et la rénovation des bâtiments ont été les principaux leviers activés pour réduire les consommations. S'ajoute désormais le déploiement de l'énergie photovoltaïque. L'évolution réglementaire, et en particulier la loi de transition énergétique pour la croissance verte, pousse dans ce sens. Une des options était de déployer de petites installations sur les bâtiments du Centre Technique, mais ces derniers vont être rénovés prochainement. Nous avons donc misé sur des centrales au sol, dont la taille permettra d'atteindre un niveau de production significatif. Une décision d'autant plus logique que la Guyane compte des industriels spécialisés dans ce type d’installation.

Le plus difficile était de pouvoir respecter les échéances. 

Jusqu'ici, à quels défis/contraintes avez-vous été conforntés dans le cadre des ces projets (financement, organisation, planning,etc) ? Quelles solutions ont été mises en place pou relever ces challenges ? 

Jérémy Hedin : Dans les choix de conception, nous avons méticuleusement étudié la traçabilité des approvisionnements. Il y a environ 10 000 panneaux solaires par centrale. Nous avons sélectionné des panneaux solaires qui respectaient certains codes d'éthique présentant l'un des meilleurs bilan carbone de fabricationdu marché. Tout produit susceptible d'avoir été fabriqué dans des conditions bafouant les droits humains a été écarté.

Pour PV2, le plus difficile était de pouvoir respecter les échéances car il s'agit d'un projet financé par France Relance avec une obligation de résultat dans un délai contraint. Nous avions par exemple, trouvé sur le site des vestiges archéologiques dans la zone et des espèces protégées non inventoriées au départ. Cela a donné lieu à des reprises de dossiers au niveau nature, environnement, biodiversité. La réverbération du parc a aussi été révisée car elle risquait de nuire aux pilotes d'aéronef qui survolent le CSG.

François Clément : C'est le rôle du chef de projet de s'appuyer sur les diverses compétences autour de lui. Cet aspect est important pour négocier un report de délai vis-à-vis de France Relance et pour pouvoir contourner au mieux les difficultés sur la partie biodiversité et/ou technique.

Avez-vous utilisé d'autres projets similaires, menés antérieurement, comme référence pour la constructions de ces trois champs ? 

François Clément : Nous travaillons avec nos collègues ingénieurs au CSG et à Toulouse qui construisent des pas de tir, des lignes de production ou encore des bâtiments. Tout cela nourrit une culture de projet et de travaux qui est bien ancrée dans nos processus.

C'était la première fois à ma connaissance qu'on menait un projet de centrale à énergies renouvelables. Un marché de conception-réalisation a été passé avec l'entreprise Voltalia pour le développement des centrales PV1 et PV2. Ce modèle contractuel, dans lequel le titulaire est à la fois en charge de l’ingénierie et de la réalisation, a permis d'accélérer la phase de design pour pouvoir respecter les échéances des programmes CSG NG¹ (PV1) et France Relance (PV2).

Pour PV3, qui est la brique de production d’énergie du projet HYGUANE², il est possible de pousser au maximum les études et le dossier de permis de construire avant de contracter un marché de travaux traditionnel. Cette formule a l’avantage de favoriser la maîtrise des coûts et de réduire les aléas.

Nous avons désormais le retour d’expérience suffisant pour conduire les phases potentiellement délicates telles que l'instruction du permis de construire et le choix du matériel installé. 

Est-ce que vous vous êtes appuyés sur des services ou des équipes du CNES pour mener à bien ces projets ? 

François Clément : Lorsque des imprévus sont apprus sur le chantier de la centrale PV2, nous avons pu compter sur les experts de Voltalia, nos collègues de la Sauvegarde/Environnement, et des prestataires extérieurs spécialisés en biodiversité, hydraulique et géotechnique. Nous avons également recruté un alternant en Master Energie Renouvelable pour renforcer l’équipe projet. 

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Atelier de mise en oeuvre des fondations de la structure métallique qui soutiendra les panneaux solaires. La foreuse (cf image) va permettre de visser les pieux à une profondeur de 2m50 dans le sol. 

 

A ce jour, quel bilan peut-on dresser ? 

Jérémy Hedin : PV2 est en cours de construction et PV1 en instruction de permis de construire. Pour PV3, l'appel d'offres sera lancé cette année. Nous aurons un défi de taille à relever : anticiper et regarder à la loupe les phases de mise en service de ces champs, en coordination avec le projet de refonte du réseau haute tension et avec les activités opérationnelles de lancement Ariane 6 et Vega. Une fois les parcs mis en service, il s'agira d'apprendre à optimiser leur exploitation en veillant à ne pas dégrader la qualité du réseau électrique, y compris à l'échelle du territoire avec EDF Guyane.

Livraison du projet

PV2 - fin 2024

PV1 - fin 2025

PV3 - mi-2026

¹CSG NG : Centre Spatial Guyanais Nouvelle Génération : Programme financé par l’ESA (Agence Spatiale Européenne) visant à moderniser les moyens techniques de la base de lancement.

²HYGUANE : Hydrogène Guyanais à Neutralité Environnementale.